Sylvie et le bruit mystérieux
« Pourquoi on n’est pas restés à la maison ? Pourquoi je n’ai pas eu le droit de prendre ma poupée ? Pourquoi je ne peux pas aller à l’anniversaire de mon copain ? Pourquoi on va voir des gens que je ne connais pas ? On ne fait jamais ce que je veux ! C’est loin ; je veux descendre de voiture... »
Voilà plus d'une heure que les parents de Sylvie entendent ces réflexions. Une heure que Sylvie se plaint ! Sa mauvaise humeur résonne dans la voiture. Le papa et la maman de Sylvie soupirent. Une nouvelle fois, sa maman lui explique :
« Nous allons voir une amie que je n’ai pas rencontrée depuis des années. Elle vient d'avoir un bébé : Louis. C’est une belle occasion de la visiter. Elle habite une grande maison avec un immense jardin. J’ai pensé que ça te ferait plaisir d'aller à la campagne...
- Non ! Ça ne me plaît pas. J’aurais préféré rester à la maison et voir mes copains... »
Et c’est reparti ! Les bras croisés sur son ventre, les sourcils froncés et le visage renfrogné, Sylvie continue d'être mécontente. Rien ne semble pouvoir la faire changer d'avis. Ses parents n’insistent pas ; ils la laissent tranquille. Le trajet se termine dans un silence complet.
Les premières minutes de la rencontre avec Louis et sa famille ont été très froides. Sylvie n’a fait aucun effort. Elle a presque refusé de parler. Sa mauvaise humeur était évidente. Elle a refusé de s’asseoir, de boire un verre de jus d'orange et de goûter aux petits gâteaux. Elle n’a même pas ouvert le cadeau que lui a gentiment offert Jade, l’amie de sa maman. Les parents de Sylvie ne savent plus quoi faire.
Jade finit par proposer à Sylvie de faire un tour dehors. Il fait très beau et elle ne va sûrement pas manquer de trouver des tas de trésors dans le grand jardin. Sylvie sort en se traînant les pieds, les yeux fixés sur ses chaussures. Vraiment, elle n’aime pas être là. Elle s’ennuie.
Soudain, un beau papillon jaune vient se poser sur le bout de son nez. Sylvie relève brusquement la tête. Le papillon s’envole rapidement et Sylvie le suit des yeux. Elle le voit contourner un grand buisson de fleurs multicolores, puis disparaître derrière une fontaine. Sylvie court vers la fontaine. Pendant qu’elle cherche le papillon, elle est distraite par la légère musique qui s’échappe de la fontaine. De minces filets d'eau s’écoulent dans un doux sifflement. Sylvie se penche au-dessus de l’eau et aperçoit une grosse ombre entre les nénuphars. Un peu effrayée, elle recule. L’ombre se rapproche de la surface de l’eau. Soudain, une bouche énorme vient avaler un peu d'air.
« Et bien ! Ça alors ! » dit Sylvie.
Elle n’avait jamais vu un poisson rouge aussi gros. Puis, elle remarque plusieurs autres poissons : des rouges, mais aussi des tout noirs et des tachetés. Chez elle, dans un bocal, Sylvie a un poisson rouge. Comme il est minuscule à côté des poissons de cette fontaine ! Le papillon est vite oublié ; toute l’attention de Sylvie est maintenant centrée sur les poissons qui semblent danser dans l’eau et jouer à cache-cache avec les nénuphars. De temps en temps, Sylvie aperçoit leurs écailles qui brillent au soleil. C’est très beau ! L’eau qui s’écoule lui donne envie de boire. Elle tend sa main pour goûter l’eau fraîche. Puis, elle retourne à l’observation des poissons.
« Mais quel est ce bruit ? »
Depuis quelques minutes, elle est dérangée par un son grave et répétitif. Puis, après un moment de silence, le bruit reprend. Sylvie se demande bien d'où vient ce bruit. Elle fait quelques pas et passe tout près d' un bosquet de roses. Elle réalise alors que le bruit a encore cessé. Aux aguets, Sylvie ne bouge plus ; elle veut vraiment trouver la provenance de ce drôle de bruit.
Du bosquet, le vent souffle des parfums très agréables. Sylvie est étonnée : comment des fleurs peuvent-elles dégager une odeur aussi forte ? Elle s’approche de la rose la plus ouverte. Malgré son parfum prononcé, elle semble si fragile. Toutes les roses, quelle que soit leur variété, sont généreuses de donner ainsi leur agréable parfum. Sylvie est de nouveau interrompue par le bruit mystérieux. Le son grave, comme un craquement, semble venir de gauche. Sylvie traverse une pelouse bien verte et passe entre deux grands arbres. Le bruit est de plus en plus fort. Sylvie contourne maintenant un petit muret et prend un chemin de sable. Le bruit est là, tout près. Surprise, Sylvie découvre un petit étang au bout du chemin. « Plouf ! ». Le bruit cesse encore...
« Et bien ! Ça alors ! »
Sylvie n’en croit pas ses yeux. Devant elle, sur une eau bleu foncé, apparaissent des canards aux plumes vertes et noires, deux cygnes blancs, des nénuphars roses et des roseaux fous qui s’agitent dans le vent. De tout ce qu’elle a vu dans le jardin, cette mare est de loin la plus belle découverte. C’est plein de vie ! Mais, il n’y a plus ce fameux bruit. Sylvie s’accroupit pour mieux voir le fond de l’eau. L’eau est assez limpide pour qu’elle aperçoive des petits poissons, du sable et des pierres. De minuscules insectes semblent marcher sur l’eau. Un canard plonge bruyamment. Mais, rien à voir avec le bruit étrange de tantôt.
Soudain, elle entend : « craaaaaaaaaaaque, craaaaaaaaaaque ».
Sylvie cherche des yeux le responsable d'un tel son. Ce ne sont ni les poissons, ni les cygnes, ni les canards. Ce n’est sûrement pas un insecte, car le bruit est trop puissant. Le regard de Sylvie est attiré par un nénuphar sur lequel se trouve un petit animal vert... Une grenouille !
« Bien sûr, comment n’y ai-je pas pensé avant ? » se dit Sylvie.
Bientôt ce sont 2, puis 3, puis plein de grenouilles qui se mettent à coasser en choeur. La grenouille sur le nénuphar a dû se sentir bien seule, quand durant plusieurs minutes, elle appelait ses copains et copines. C’est donc elle qu’Sylvie avait entendue auparavant. À présent, toute la mare vibre d' un concert improvisé :
«Crroacccroaccroaccroa...»
« Sylvie ! Sylvie ! Où es-tu ? »
Elle reconnaît la voix de sa maman.
« Je suis près de la mare, au bout du chemin.
- Rejoins-nous ! On s’en va. »
Déjà ! Le temps a passé trop vite pour Sylvie. Elle aimerait rester encore au bord de l’eau. Bien tristement, elle quitte la mare. Elle se traîne les pieds, les yeux fixés sur ses chaussures, ce qui fait soupirer sa mère :
« Sa colère n’est toujours pas passée. Elle bougonne encore. Nous n’aurions pas dû insister pour qu’elle vienne avec nous. »
Elle est tellement découragée ! Dès que son enfant approche, elle s’excuse de l’avoir obligée à faire cette visite.
« Je suis si contente d'être venue ici, maman, que je ne veux pas partir.
- Je t’avais dit que mon jardin était plein de surprises. Tu reviendras pour découvrir toutes celles que tu n’as pas eu le temps de voir, dit Jade.
- Quand ? demande Sylvie.
- Et bien, disons la semaine prochaine. On fera des grillades et un pique-nique. Es-tu d' accord ?
- Oh, oui ! Merci Jade !
- Retourne vite, avant qu’il ne fasse nuit ! On se revoit samedi prochain. »
Jade lui donne une bise sur le front et laisse ses invités monter dans leur voiture.
Quelques signes de la main et c’est le départ ! Durant le trajet du retour, tous sont silencieux.
Puis, tout à coup, le papa de Sylvie prend la parole :
« Dis donc, Sylvie, tu n’a pas ouvert le cadeau de Jade ? Regarde, il est sous ton gilet. »
Sylvie se précipite et déchire le papier d'emballage pour y découvrir un livre. Elle lit le titre : « Le monde secret du jardin ».
Elle l’ouvre et découvre en détail toutes sortes de variétés de fleurs, d'animaux et d'arbres que l’on peut trouver dans un jardin. Elle reconnaît les roses qu’elle a senties aujourd'hui. Les roses jaunes s’appellent Mitsouko, les rouges, Ispahan...
« Le savais-tu, papa ? demande Sylvie.
- Non !
- Il y avait aussi des chênes, des pins et des cerisiers dans le jardin de Jade. »
Sylvie feuillette toutes les pages du livre avec enthousiasme. Souvent elle s’exclame ou bien rit en reconnaissant des poissons ou des fleurs.
« Saviez-vous que l’espèce de petite araignée qui marche sur l’eau s’appelle un dytique ? C’est un co-lé-op-tère » articule Sylvie.
Et puis soudain, elle crie presque :
« Oh ! J’ai trouvé le nom de ma copine.
- Ta copine ? demande la maman.
- Oui ! Elle s’appelle rainette. C’est une grenouille. Elle m’a appelée lorsque j’étais près de la fontaine. Tu ne peux pas comprendre...
- Ah, bon ! » s’étonne la maman sans demander plus d'explications. Elle est heureuse que la journée de Sylvie ait été finalement si réussie.
Durant le reste du trajet les commentaires émerveillés de Sylvie prennent toute la place. Mais, il faut bien l’avouer, les parents préfèrent ça à toutes les plaintes du monde...
(c) 2004, www.pourtoi.net Sylvie Jumel, pour la rédaction de l'histoire... Marielle, pour la correction du texte... Claudio, pour la création de l'histoire personnalisée.
Sylvie et le bruit mystérieux
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